16 mai 2015 – Elle…

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Écrit pour les plumes d’Asphodèle, mots à placer :

Feu, chocolat, pelote, courage, croquer, branche, pleurer, folie, logiciel, admiration, couture, s’évader, play-boy (ou playboy), abeille, clope, plaisir, raquer, tunes (ou thunes), caramel, articulations, céder, raccommoder, vernis, allumette, amour, courses (dans le sens de shopping),  tonnerre .

On pouvait en supprimer deux. Je n’ai pas utilisé « logiciel »

Une abeille butinait de fleur en fleur dans un léger bourdonnement. Elle était assise à l’ombre, sous les branches d’un saule tortueux. Les effluves du jardin adoucissaient sa tristesse mais l’envie de pleurer montait en elle.

Le toubib à la gueule de playboy lui avait donné cinq jours. Oui, cinq jours, si peu, à partager… Son corps entier appartenait aux pinces du crabe, il avait commencé par un sein et avait envahi jusqu’à la moindre articulation.

Il lui semblait que c’était hier, quand elles allaient faire les courses à la frontière belge et revenaient avec un fabuleux trésor de gourmandises, qu’elle, la petite, dévorait devant la télévision. Ou encore, lorsqu’elle lui filait une paire d’aiguilles à tricoter et tout un tas de pelotes de laine. Pendant qu’elle alignait les points mousse, sa grand-mère raccommodait les chaussettes du papi ou usait de sa belle machine à pédale pour confectionner des tentures haute couture avec les coussins assortis.

Son mari ne lui donnait pas de tunes, enfin si, mais tout était calculé, vérifié, aucune dépense superflue. Pourquoi aller raquer pour un café en terrasse ou pour un diner au restaurant alors qu’à la maison c’était bien moins cher et qui plus est meilleur ?!
Jamais de petits plaisirs ou de coup de folie autre que le camping sous la tente en Bretagne chaque été.

Elle craqua une allumette en prenant soin de ne pas abimer son vernis juste posé. Le feu jaillit en une minuscule flamme, elle alluma une clope.
Elle manquait de courage pour stopper ce poison. La peur de reprendre du poids ne l’aidait pas. Elle avait déjà arrêté quelques mois mais avait cédé à l’envie de croquer du chocolat au caramel au beurre salé à tout va et d’engouffrer un nombre indécent de paquets de Menthise. Au final, huit kilos s’étaient installés sur ses hanches, son ventre et ses fesses.
Elle avait finalement renoncé au chocolat et repris la cigarette, mais il avait fallu plus de temps pour perdre les kilos qu’il en avait fallu pour les prendre.

Elle sortit de ses pensées. Fred, d’habitude toujours ponctuel était en retard. Son grand amour qui avait toujours fait l’admiration de sa famille, devait garder les enfants pour qu’elle se rende à l’hôpital. Elle avait plusieurs fois eu envie de s’évader avec lui pour un long week-end en amoureux, histoire de décompresser un peu. Mais impossible de manquer ce rendez-vous journalier avec mamie. Onze mois de maladie dont les trois derniers mois hospitalisée. Chaque midi, chaque soir elles étaient ensemble. Ces derniers jours elle ne se réveillait quasiment plus…

Le vent s’est levé d’un coup. Les nuages arrivent en course folle et assombrissent le ciel. Elle frissonne et rentre à l’abri. Le paysage prend des allures fantomatiques. Un éclair zèbre l’horizon suivit d’un coup de tonnerre assourdissant.

Elle le sait. Elle le sent. Elle vient de rater leur dernier rendez-vous…

 

Au total avec ces mots-ci 539 mots…

18 réflexions au sujet de “16 mai 2015 – Elle…”

  1. On pouvait imaginer des situations et des issues diverses derrière ces mots imposés, mais en voyant « pinces de crabe », j’ai de suite compris que ce texte serait porteur de mauvaises nouvelles… Qu’il s’agissait bien de ce maudit « crabe astrologique » qui avait sournoisement agressé une part de féminité et fini par anéantir une vie pourtant riche d’espérances.
    Une émotion dense à te lire.
    Amicales pensées

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  2. Oui, bien sûr le vent souffle fort et pourrait tout emporter, mais dans nos coeurs la vérité s’est installé et nous percevons le moindre détail au sujet de la personne malade qui reçoit toute notre attention.

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  3. C’est un très beau texte, émouvant ! ..c’est sombre, profond et tellement réel; on aimerait suspendre le temps, qui inlassablement continue sa course.Ces rendez- vous avec la vie nous tiennent jusqu’à l’ultime;on est comme porté….ils restent à jamais gravés dans nos mémoires, bien au delà de l’émotion. Tendresse

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